18.09.23 | Lampedusa : non à Frontex, non à la coopération migratoire avec la Tunisie

18 septembre 2023 – Abolish Frontex, réseau populaire de plus de 130 organisations et groupes, condamne fermement la réaction de l’Union européenne face à la situation migratoire actuelle à Lampedusa. Le plan d’action en 10 points présenté par la présidente de la Commission européenne, Mme von der Leyen, dimanche 17 septembre lors de sa visite sur l’île à l’invitation du gouvernement italien d’extrême droite, n’est qu’un nouvel ajout aux politiques répressives et violentes de l’Europe en matière de frontières et de migration, et n’aura aucun effet bénéfique dans l’assistance aux personnes en migration.

Le plan dépend grandement de l’implication de Frontex à augmenter les patrouilles frontalières et de l’élargissement de la coopération avec la Tunisie. Il en résultera des risques accrus, davantage de morts et une accroissement des violations des droits humains à l’encontre des personnes en déplacement. Il a été démontré à maintes reprises que le renforcement de la sécurité des frontières maritimes pousse les gens à emprunter des itinéraires encore plus dangereux pour tenter d’atteindre l’Europe. Cette réalité se vérifie dans la série de naufrages qui ont eu lieu au cours de cet été, lorsque des centaines de personnes se sont noyées en Méditerranée en route vers les îles Canaries, sous les yeux de Frontex et des garde-côtes nationaux.

L’implication de Frontex lors de refoulements illégaux et d’autres violations des droits humains a été largement documentée dans de nombreux récits rapportés par des personnes en déplacement, des ONG de recherche et sauvetage et des journalistes d’investigation. Les institutions européennes ont toujours ignoré et minimisé les inquiétudes exprimées au sujet l’agence, faisant au contraire le choix d’étendre son mandat tout comme le budget qui lui est alloué. Organiser une confrontation des personnes en migration qui se déplacent vers Lampedusa à Frontex, c’est la garantie d’une augmentation de violence et de risques.

Début de cette année, l’UE a conclu un protocole d’accord avec la Tunisie dans le cadre des efforts considérables qu’elle déploie en vue d’externaliser ses frontières. Fermant les yeux sur le régime de plus en plus autoritaire du président Saïed, avec ses déclarations racistes et sa répression brutale des migrants dans le pays, l’UE a promis plus de 100 millions d’euros de dons financiers et d’équipements de sécurité ainsi que des contrôles des frontières pour faire de la Tunisie, son prochain avant-poste de garde-frontières. Cet accord, tout comme ceux similaires conclus avec le Maroc, la Libye et l’Égypte, ne connaît qu’un seul grand gagnant : l’industrie militaire et de sécurité européenne, qui fournit les outils et les technologies nécessaires à la militarisation des frontières.

Bien que Mme von der Leyen impute aux passeurs la responsabilité de l’arrivée d’un plus grand nombre de personnes en migration à Lampedusa, cette situation n’est en réalité que le résultat des horribles conditions qui règnent en Tunisie, en Libye et dans d’autres pays d’Afrique du Nord et du Sahel, ainsi que de l’absence de possibilités de routes de migration sûres vers l’Union européenne. La situation a été aggravée par les accords de coopération en matière de migration conclus entre ces pays et l’UE, qui légitiment ainsi les régimes répressifs et renforcent leurs forces militaires et de sécurité.

Dans ce contexte, l’annonce de Mme von der Leyen selon laquelle l’UE “accélérera la fourniture d’équipements et renforcera la formation des garde-côtes tunisiens et d’autres autorités chargées de l’application de la loi” constitue un aspect problématique majeur du plan en 10 points.

En réalité, les politiques étrangères, militaires et commerciales de l’UE contribuent fortement aux causes des déplacements forcés dans cette région. À cela s’ajoute l’impact croissant des conséquences des changements climatiques, comme on l’a vu cet été, dont les pays du Nord sont, une fois de plus, largement responsables.

Outre les points du plan qui rendent la traversée vers Lampedusa plus difficile et plus dangereuse pour les personnes en migration, Mme von der Leyen insiste beaucoup sur un rejet rapide des demandes d’asile et sur l’augmentation des déportations, là encore avec un rôle important alloué à l’agence Frontex. Cela contraindra les personnes en migration à retourner dans des pays d’origine peu sûrs, principalement dans la région du Sahel, en proie à des conflits internes, à des coups d’État militaires et à la répression. Le renforcement de la coopération avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) afin de contraindre les personnes en migration à accepter des retours dits “volontaires” constitue un autre sujet de préoccupation à cet égard.

Le seul point du plan qui pourrait être utile aux personnes arrivant à Lampedusa est leur transfert rapide vers l’Italie continentale ou vers d’autres États membres de l’UE, à condition qu’elles puissent être conduites dans le pays de leur choix et qu’elles y bénéficient d’un abri et d’un soutien pour se construire un avenir, au lieu d’être placées en détention et expulsées. Le reste du plan devrait être rayé de la table et remplacé par l’extension des installations d’accueil à Lampedusa, la création de points de passage sûrs, la fin de la coopération en matière de migration avec les pays hors UE, la prise en compte des contributions de l’UE aux raisons qui poussent les gens à quitter leur foyer, l’abolition immédiate de Frontex et la fin du régime frontalier de l’UE.

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