16 novembre 2021 – Suite au contrat signé entre Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, et le consortium italien composé de l’Associazione Ithaca, du DIST (Dipartimento Interateneo di Scienze, Progetto e Politiche del Territorio) de l’École polytechnique de Turin et d’Ithaca Srl (une société contrôlée par l’association homonyme), nous avons pris position. Ce matin, le réseau Abolish Frontex a envoyé une lettre au Recteur, au Vice-Recteur, aux membres du Sénat Académique et aux Directeurs et Vice-Directeurs du Département mentionné, mais aussi à Altreconomia, le magazine italien où l’histoire a été évoquée en premier lieu. Voir notre lettre ci-dessous. En tant qu’organisation/groupe, vous pouvez co-signer ici.
Estimé Recteur Guido Saracco,
Nous sommes des volontaires et des activistes qui, depuis un certain temps, sont sensibles et engagés dans la défense de la vie et des droits humains des migrants. Nous vous écrivons à propos des récentes nouvelles qui voient le nom du Polytechnique de Turin associé à celui de Frontex.
Au quotidien, nous sauvons des femmes, des hommes et des enfants des naufrages en Méditerranée. Le long de toutes les frontières intérieures et extérieures de l’UE, nous soutenons par diverses formes de solidarité les victimes des politiques européennes xénophobes qui contraignent des êtres humains à des conditions de marginalisation chronique, attendant des mois ou des années une possibilité de rédemption d’un système dans lequel le racisme est systémique et la violence institutionnelle est structurelle.
Depuis des années, nous avons été contraints de faire face à des politiques à courte vue et injustes, avec un modèle de gestion du phénomène migratoire qui, dans le paysage européen, prend forme à travers la machine Frontex. Une agence para-militaire, appelée à protéger les frontières d’une menace extérieure savamment construite. Une menace qui se fonde et se nourrit de la logique coloniale de ” l’autre que soi ” : du corps étranger à expulser à tout prix/par tous les moyens.
Depuis 1993, les politiques de l’Europe Forteresse ont tué 44764 personnes :noyées en Méditerranée, abattues aux frontières, tuées après avoir été torturées et maltraitées, à la suite de déportations. Les politiques anti-immigration se reproduisent d’elles-mêmes : lorsque des murs sont érigés, les gens sont contraints d’emprunter des routes moins fréquentées et donc plus dangereuses ; lorsque la liberté de circulation est refusée, l’industrie de la traite des êtres humains est alimentée.
Frontex est opérationnellement et symboliquement au centre de cet machine liberticide. Est-ce cette machine que vous voulez voir associée au nom de votre université ? Est-ce que l’échange de services avec une agence en procès devant la Cour européenne de justice pour violation des droits humains, qui repousse violemment les gens aux frontières, violant la Convention de Genève sur le droit d’asile, doit être considéré comme une fierté ? Est-ce dans ces contradictions que vous entendez former les nouvelles générations d’ingénieurs humanistes ?
Conscients et témoins de ces mécanismes, nous ne pouvons nous empêcher de ressentir de la peur face à l’avancée progressive de Frontex dans les milieux académiques, alors que les universités devraient être les porte-parole et les exemples d’une connaissance du développement humain solidement ancrée dans des principes éthiques.
Il est inacceptable pour nous que, au sein d’une université publique, on puisse se rendre complice d’une mission de chasse aux migrants, en offrant son soutien à la militarisation de la frontière et aux patrouilles agressives.
L’université ne peut pas contribuer à la production d’armes stratégiques potentielles – comme les cartes cartographiques – car cela leur donnerait une valeur scientifique, permettant ainsi à Frontex d’utiliser un matériel présumé neutre, mais qui se traduit par une participation passive à des actes inhumains et criminels. Les données ne sont pas neutres, leur utilisation non plus, surtout si Frontex veut en tirer profit.
C’est à partir des expériences des autres, dont nous recueillons d’interminables témoignages, que nous vous invitons à réfléchir et à agir, en mettant fin au contrat Frontex.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, nous vous remercions.
Les signataires:
Abolish Frontex
Agir Pour la Paix
Associazione Libellula
Associazione Mesa Popular ODV
Baobab Experience
Border Violence Monitoring Network
Carovanemigranti
Entre-murs entre-mondes
Forum Antirazzista Palermo
Lasciateci entrare
Le Veglie contro le morti in mare
Linea d’Ombra ODV
ManidiPace OdV
Mani Rosse Antirazziste
MEDITERRANEA Saving Humans – APS
Melitea
One Bridge To Idomeni
Rete Antirazzista Catanese
Rete Milano odv
ResQ
Sea-Watch e.V.
Stop Border Violence
Torino per Moria
Un Ponte di Corpi
Watch-The-Med Alarm Phone
Yabasta! Bologna